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Notes de lecture : le concept du continuum : à la recherche du bonheur perdu, Jean Liedloff

Le concept du continuum – A la recherche du bonheur perdu

Jean Liedloff

Editions Ambre, 2006 (éd. originale de 1975 et introduction de l’auteur de 1985)

L’auteur a effectué plusieurs expéditions dans la jungle sud-américaine, et a observé notamment le mode de vie de la tribu des Yakwanas. Elle a constaté que leur sens du bonheur, du travail et de l’effort était très différents de nos conceptions occidentales. Elle l’explique par le fait que cette tribu ne s’est pas éloignée, comme les sociétés modernes, de son continuum, en particulier dans sa relation aux bébés.

« Le continuum peut être défini comme un enchaînement d’expériences qui correspondent aux attentes et tendances de notre espèce, dans un environnement de même logique que celui où sont nées ces attentes et ces tendances » p.49

Jean Liedloff (source : http://www.continuum-concept.org)

Autrement dit, notre « programmation ancestrale » nous pousse à certains comportements adéquats, et induit en nous certaines attentes. Ainsi, dès sa naissance, le bébé s’attend à recevoir de sa mère un comportement « maternel » : son continuum lui indique que sa place est dans ses bras, contre son corps, et c’est là qu’il devra vivre et évoluer ses premiers mois, jusqu’à ce qu’il soit prêt à tenter d’autres expériences.

Dans un texte poignant, l’auteur décrit, en focalisation interne qui donne toute la puissance à son discours, la souffrance insupportable du nouveau-né dont la mère, pourtant pleine de bonnes intentions, ne répond pas à ses attentes, à ses besoins de contact et de bercement (l’extrait en question est consultable ici sur le site Porter son enfant).

La rupture du continuum dans nos sociétés modernes a des conséquences négatives sur les individus et la société : les attentes non comblées du bébé le restent pour toute sa vie d’enfant puis d’adulte. Il cherchera à les combler, et à retrouver la figure maternelle et les expériences « dans les bras » qui lui ont manquées. Son sens du bonheur en sera profondément altéré : sa quête d’autre chose, du mieux, sera permanente et l’empêchera de jouir de l’instant présent et donc de trouver le bonheur dans l’instant présent. Certaines maladies, les dépendances, les troubles de la sexualité peuvent s’expliquer par ce non respect du continuum. En effet la route pour atteindre le bonheur doit se faire étape par étape, et si la première d’entre elles est manquée il faut tout reprendre depuis le début, dans une quête potentiellement infinie…

L’auteur s’attache, en parallèle, à décrire le fonctionnement des Yakwanas. Dans cette tribu, le bébé est constamment porté au début de son existence, dans le respect de son continuum, jusqu’à ce qu’il manifeste le besoin de l’être moins. Pour autant, sa mère lui porte une attention limitée : elle vit sa vie d’adulte normalement, naturellement. Elle reste néanmoins disponible à ses sollicitations.

Une fois que la phase dans les bras a été satisfaite, l’enfant ne réclamera d’attention qu’en cas de réel besoin. Il ne devient pas dépendant, au contraire, il obtiendra pleine confiance en lui et en ses semblables.

Les Yakwanas sont persuadés du caractère sociable de l’enfant : il est un être d’imitation. Aussi il répondra aux attentes que les autres ont de lui, sans qu’aucune pression ne soit exercée (il n’y a d’ailleurs pas plus de pression exercée sur les autres adultes). C’est ainsi que, par instinct, l’enfant se conformera aux normes de sa tribu. Les Yakwanas s’attendent à un comportement adéquat de la part des enfants, qui y répondent naturellement, « en douceur », du mieux qu’ils peuvent.

Par exemple, les adultes ne s’attendent pas à ce que le bébé se mette en danger, ce qui irait à l’encontre de son instinct de survie. Ainsi il n’y a pas d’interdictions ni de mises en garde particulières vis à vis de ce que nous, sociétés occidentales, considérerions comme dangereux (des flèches, des lames tranchantes, un puits…). Et il n’y a pas d’accidents non plus, ou alors ils sont rarissimes… les enfants répondent aux attentes de leurs aînés.

L’auteur constate aussi que dans la tribu, le bonheur est la norme, c’est l’état « standard » de chaque âge de la vie. Elle explique que cet état est possible dans la mesure où les besoins de l’âge précédent ont été comblés.

Dans nos sociétés occidentales, on éduque, on modèle, on élève les enfants… et nos attentes sont négatives. Alors, contrairement à ce qui se produit chez les Yakwanas, les accidents sont bien plus nombreux. En effet, la mère va bien souvent prendre à sa charge la responsabilité de la surveillance de l’enfant. Celui-ci, ne la prend donc pas à son compte…

« Ce n’est pas un hasard si, en étant sûrement les plus protégés de toute l’Histoire, les enfants occidentaux sont ceux dont on attend le moins qu’ils sachent s’occuper d’eux-mêmes » p. 147

Finalement, comment tirer enseignement de ce concept du continuum pour nos sociétés occidentales ? L’auteur préconise de rester le plus proche possible du continuum en utilisant le bon sens, afin que l’instinct reprenne le dessus. Il faut commencer par répondre aux attentes du nouveau-né, en le portant constamment, en dormant avec lui, tant qu’il en manifeste le besoin.

Mon avis :

Cet ouvrage est très agréable à lire. Bien écrit, il mêle anthropologie, philosophie, récits de voyage, et plaidoyers intenses pour une humanité plus à l’écoute de ses instincts.

Il milite activement pour un portage continu du nouveau-né, et pour un respect absolu de ses besoins élémentaires, qui sont aussi les nôtres si on en croit ce concept du continuum.

Il rassurera sans aucun doute les parents qui craignent que leur attitude « maternante » ne soit néfaste à leur tout-petit… et fera peut-être prendre conscience aux autres à quel point il est naturel que le bébé recherche le contact rassurant de sa mère, et à quel point il est essentiel de répondre à ce besoin.

Mais finalement ce texte est aussi un peu violent : il peut entraîner une prise de conscience vertigineuse, douloureuse sur nos modes de vie… Ce qui a le mérite de nous interroger, de nous faire réfléchir.

Je n’ai pour ma part pas adhéré à toutes les assertions de l’auteur, quand d’autres m’ont furieusement donné envie de les contrer. Par exemple en ce qui concerne les dangers auxquels nous exposons nos enfants parce que nous les surprotégeons. C’est peut-être (sans doute ?) vrai. Mais je trouve cruel d’affirmer qu’enfant se noie parce que ses parents s’attendaient à ce que cela arrive… Je ne peux m’empêcher de trouver injuste la culpabilité que cela peut provoquer, et de juger ces mots d’une violence extrême. De même la vision un peu négative qui consiste à affirmer que nous ne savons pas trouver le bonheur dans l’instant présent me gêne dans sa généralisation.

Néanmoins cela ne gâche pas le plaisir de la lecture, et de la découverte d’une théorie qui milite de façon si convaincante pour le portage, qui rend les bébés heureux, détendus, et leur construit un socle solide pour leur équilibre et leur bonheur futurs.

Voir mes autres notes de lectures.

 
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Publié par le juillet 24, 2010 dans Porter... et lire

 

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Notes de lecture : Parents efficaces, Thomas Gordon

Parents efficaces

Thomas Gordon

Marabout, Edition 2002, 352 pages

Thomas Gordon, psychologue américain (1918-2002), a formalisé une méthode de communication qu’il applique et illustre ici dans la relation parents / enfants.

La base de son raisonnement consiste à considérer que l’enfant est l’égal du parent, et que la résolution des conflits doit passer par l’écoute et la recherche commune de solutions, acceptées par toutes les parties (méthode gagnant / gagnant ou sans perdant). Dans ce processus, l’acceptation des besoins des autres, mais aussi des siens, est essentielle.

Il explique plusieurs méthodes permettant d’aboutir à une communication (et donc aussi à une relation) harmonieuse entre parents et enfants :

– L’écoute active : il s’agit d’une forme d' »empathie » de la communication, qui consiste à accepter le discours de son interlocuteur de façon sincère, et de lui faire savoir, notamment en reformulant ses propos (étant entendu qu’il faut utiliser cette méthode à bon escient et non de façon systématique sous peine de se transformer en perroquet… inefficace). Cela permet de faire émerger des messages et des solutions de la part de l’autre qui seraient autrement restés non verbalisés… avec tous les risques que cela induit au niveau de la communication.

– Le message-Je : il s’agit de privilégier les messages concernant son propre ressenti, qui sont vrais par nature (mes émotions telles que je les ressens et formule ne sont pas fausses), afin de ne pas agresser / affronter l’autre par des messages qui le mettent en cause et créeront donc plus facilement une réaction défensive et non constructive.

– La troisième méthode : il s’agit de la méthode de résolution des conflit en elle-même, sans perdant. Elle permet, en cas de conflit, de trouver une solution acceptée par tous, sans sacrifice, sans usage de l’autorité, dans le cadre d’une discussion entre égaux. Pour qu’elle soit efficace, il faut que parents et enfants soient sincères, et reconnaissent leurs vrais besoins afin qu’ils puissent être respectés.

Tout au fil de l’ouvrage, l’auteur propose des exemples tirés des ateliers de parents qu’il organise.

Mon avis :

Sa vision de la communication, basée sur le respect mutuel sans usage de l’autorité NI du sacrifice de l’une ou l’autre des parties, est vraiment passionnante. Son point de vue profondément positif, humain de la relation à l’enfant, mais aussi plus généralement à l’autre, ne peut que donner envie d’essayer… et permet une réelle interrogation et réflexion sur nos pratiques en tant que parents mais aussi qu’être social en général.

Beaucoup d’exemples concrets facilitent à la fois la compréhension de la méthode mais aussi la lecture de l’ouvrage. Seulement beaucoup de discussions ne sonnent pas très vraies dans notre contexte… et sont très marquées par la culture américaine de la période où a été rédigé l’ouvrage. Cela donne un petite côté « folklorique » à l’ensemble 😉

Voir mes autres notes de lectures.

 
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Publié par le juillet 24, 2010 dans Porter... et lire

 

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